The Drummer Boy

Voir l’éléphant …

Posted in Histoire by Vulcain on 21/11/2010

Les journaux intimes et les lettres des soldats de la guerre de Sécession sont parfois déroutants.La diversité des orthographes phonétiques et des expressions archaïques pose de petites énigmes dont la résolution peut s’avérer gratifiante ou bien frustrante. Une expression familière qui revient souvent dans les écrits des recrues est :   » J’ai vu l’éléphant  »  ou  » Je suis sur le point de voir  l’éléphant « . Ce terme utilisé pour décrire l’expérience au feu des soldats a plusieurs origines possibles.

Voir l'éléphant

Dans la génération précédant la crise de Fort Sumter, les volontaires de la guerre du Mexique et les chercheurs d’or , les  » forty-niners  » , se référaient à leurs aventures à l’ouest , exactement dans les mêmes termes.Les journaux et  périodiques des années 1820 présentaient parfois des caricatures montrant un éléphant poursuivi par des mineurs ou la Mort dans son costume piétinant les dragons et l’infanterie américaine. Cependant, il est probable que l’expression remonte bien avant cette date. Au IIIème siècle avant JC, dans la vallée de l’Indus, les guerriers Macédoniens d’Alexandre le Grand battèrent l’armée d’éléphants montés du roi Porus.Ces hommes ont sans doute perpétué le souvenir de ces bêtes étranges jusqu’à leur foyer pour faire frémir et exciter l’imagination de leurs proches.Compte tenu de la remarquable distance parcourue par cette armée et de ses exploits exotiques, il est possible que  » voir l’éléphant  » devint synonyme de voyages et d’expériences dans des contrées étranges et lointaines.

Plus d’un millier d’années après Alexandre,  le Saint Empereur Romain Charlemagne entendit l’histoire d’un énorme animal qui pouvait déraciner des arbres vivants. Après que des marchands africains eurent assuré  l’empereur que les éléphants pouvaient tracer des chemins à travers tout l’empire fortement boisé,  il devint obsédé par l’idée d’en acquérir un. Grâce aux efforts d’un seigneur arabe exilé et d’un marchand  nommé Isaac, un éléphant fut acheté à Bagdad et laborieusement acheminé par terre et par mer jusqu’au siège de l’empereur à Aix-la-chapelle. L’animal, nommé Abul Abbas, créa un énorme retentissement dans le monde Franc. L’histoire du monstre qui pouvait tracter un énorme rocher et  manger gentiment dans la main de son maître se propagea aux quatres coins de l’Empire.Quand la bête était montrée lors des fêtes et des foires, les paysans qui avaient rarement, voire jamais quitté leur foyer, parcouraient des kilomètres pour voir l’éléphant.

Une variante américaine plus ironique remonte aux années 1820 et aux premiers jours des cirques itinérants.Un conte de la Nouvelle-Angleterre nous relate l’histoire d’un fermier qui avait beaucoup entendu parler de l’aspect unique de l’éléphant sans jamais en avoir vu un.Son voisin lui parla d’un cirque qui allait passer dans les environs et le fermier  jura qu’il allait assister à la première représentation.S’installant tôt le matin dans son chariot, le fermier éspérait être des premiers spectateurs.Sur le point d’atteindre un carrefour dont la visibilité était masquée par une haie,  il força l’allure.Au même moment, dans la direction opposée , le convoi de chariots du cirque mené par l’éléphant arriva à  l’intersection.La collision qui en résulta brisa le chariot du fermier, tua son cheval et  laissa l’homme  inconscient.Le convoi continua sa route comme si rien ne s’était passé.Après plusieurs heures, le fermier se réveilla et lorsqu’il fut interrogé à propos de l’accident, il déclara sèchement :  » bien, au moins j’ai vu l’éléphant  » !

 Source : traduction de l’article de Gérald Conti ( paru dans Civil War Times Illustrated,  juin 1984 ).

Pour illustrer la popularité de cette expression et le flou persistant sur son origine, voici deux livres  parmi de nombreux autres :

                        

2 Réponses

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  1. hogass said, on 21/11/2010 at 21 h 38 min

    Très intéressant cet article sur cette fameuse expression qui donne un côté poétique à ce qui est probablement l’une des expériences les plus terrifiantes de la guerre : le baptême du feu. J’ai beaucoup aimé le roman de Stephen Crane, la Conquête du Courage, qui raconte cette situation avec les différentes émotions ressenties par le combattant : lâcheté, panique, courage….
    As-tu lu le premier livre, Seeing the Elephant : raw recruits at Shiloh, que tu mets en exemple? Je l’avais repéré sur internet et je me demandais s’il était intéressant.

  2. Vulcain said, on 22/11/2010 at 19 h 20 min

    Merci.Les jeunes volontaires qui ont combattu à Shiloh ont certainement connu l’enfer.Par manque de temps, je n’ai pas lu le livre  » Seeing the elephant, raw recruits at the battle of Shiloh » mais les commentaires des lecteurs et la critique littéraire sont très bons.Le livre se place au plus près des combattants, de leurs sentiments grâce aux recherches basées sur leurs lettres et journaux intimes.
    C’est l’un des 7 meilleurs livres sur Shiloh selon le blog de Brett Schule.J’ai trouvé un lien où l’on peut lire les 76 premières pages du livre, instructif !

    http://books.google.fr/books?id=J_GlcVOb374C&printsec=frontcover&dq=seeing+the+elephant&source=bl&ots=mk5UDyb5mI&sig=SgWJXVZ7yJKGm0eJyaiW3XVVhwQ&hl=fr&ei=LarqTMeDJdGC5AbDld34Ag&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=5&ved=0CDwQ6AEwBA#v=onepage&q&f=false


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